Al Maghrib. L’appel à la prière résonne doucement dans les maisons.
Les rues se figent, les volets se ferment, et sur les écrans, le Coran ou la prière prennent place avant que les feuilletons ne démarrent.
Dans la cuisine, les dattes sont soigneusement disposées, la chorba frémit, le lait est tiède, la brick trempe dans son bain d’huile, et la zlebia brille sous la lumière.
Pas de doute : c’est l’heure du ftour : « Chehia Tayba ! »
Le Ramadan en Tunisie n’est pas une pause.
C’est une autre manière de vivre, pendant 30 jours. Un rythme inversé, une ambiance unique, une explosion de traditions. Entre spiritualité, marketing, convivialité et fatigue joyeuse, ce mois réunit tout ce qui fait notre identité tunisienne, dans ses paradoxes les plus beaux.
🍰 Les goûts du Ramadan
Avant même que le muezzin appelle à la prière du Maghreb, certains rituels commencent déjà. Les files d’attente devant les pâtisseries s’allongent, tout le monde veut son mille-feuille, sa Zlebia bien caramélisée ou ses Mkharek croustillants, à ramener juste à temps pour le ftour. On y retrouve souvent les mêmes visages, les mêmes impatiences, les boîtes en carton bien serrées sous le bras et cette petite odeur sucrée qui colle aux doigts. C’est presque un héritage sensoriel.
À la maison, on dresse la table avec un soin particulier. Ce n’est pas seulement un repas, c’est un moment sacré. Le “service spécial Ramadan” ressort du buffet, réservé pour ce mois. Il y a les dattes alignées, les bricks dorées, la soupe fumante, et ce verre de lait tiède qui annonce que la rupture du jeûne approche.

✨ L’après-f’tour : une autre Tunisie se réveille

À peine la table débarrassée, la ville renaît.
C’est à ce moment-là que les cafés s’ouvrent pour de vrai. Pas pour le café du matin, mais pour le café d’après-rupture, celui qu’on prend entre amis, celui qu’on accompagne d’un jeu de cartes, d’un backgammon ou d’un débat sur le dernier épisode regardé pendant le repas.
Les jeunes sortent, les anciens aussi. Les cafés débordent de monde. On entend des éclats de rire, de la musique, du foot à la télé. C’est comme un deuxième souffle.
🕌 La nuit, le retour du spirituel
Mais cette ambiance animée cohabite avec la dimension spirituelle du mois.
Après le f’tour et avant la sortie, beaucoup se dirigent vers la mosquée.
Les prières de Tarawih deviennent un rendez-vous quotidien. Chaque soir, des dizaines, parfois des centaines de personnes, se réunissent dans les mosquées, dans la rue quand il n’y a plus de place.
C’est une prière unique, rythmée, collective. Une parenthèse de calme et de spiritualité, même dans les nuits les plus agitées.
